Pont de la Marne

Cet article contient les extraits (en bleu dans le texte ci-dessous) du rapport établi par le CEREMA du 11 mars 2020, concernant notre pont et celui d’Annet. Pour une meilleure clarté, nous n’avons gardé que les éléments importants et concernant Trilbardou.
Ce rapport sera à disposition de tous lorsque la mairie pourra ré-ouvrir au public.

Historique du pont

Les ponts de Luzancy, Esbly, Ussy, Changis, Annet et Trilbardou sur la Marne construits par Eugène Freyssinet au sortir de la guerre sont des ouvrages emblématiques de l’histoire des ponts en béton précontraint. En particulier, le pont de Luzancy est le premier grand pont en béton précontraint au monde.

Eugène Freyssinet déposa son brevet sur le béton précontraint en 1928.

Achevé en mai 1946, le pont de Luzancy est le premier grand ouvrage en béton précontraint réalisé au monde. Cette technique s’est ensuite propagée dans le monde entier pour la réalisation de grands ouvrages.

En France, on peut citer par exemple les ponts de l’Ile de Ré et de l’Ile d’Oléron qui ont été construits selon cette technique.

A ce titre, il s’agit d’un ouvrage historique reconnu dans le monde entier comme une structure majeure de l’histoire mondiale des ponts.

Les cinq autres ponts également réalisés sur la Marne par Freyssinet à la fin des années 50, Esbly, Ussy, Changis, Annet et Trilbardou sur un modèle identique légèrement différent de celui du pont de Luzancy, même s’ils n’ont pas la même valeur patrimoniale que le pont de Luzancy, comptent également dans l’histoire des ponts.

CEREMA
Le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) est un établissement public tourné vers l’appui aux politiques publiques, placé sous la double tutelle du ministère de la transition écologique et solidaire et du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Les ponts en béton précontraint

Dans ce type de ponts, des câbles assurent une tension. Son principe consiste à comprimer le béton de la structure par des câbles fortement tendus ; on utilise aujourd’hui des fils et des torons de précontrainte dont la résistance à la traction est voisine de 1800 MPa et qui sont tendus à plus de 1400 MPa.

Aux débuts de la précontrainte, Freyssinet tendait des fils de 5 mm de diamètre à 800 MPa ; une aussi forte tension initiale était indispensable pour que la précontrainte ne disparaisse pas avec le fluage et le retrait du béton, et avec la relaxation de l’acier.

Si les efforts de précontrainte sont suffisants et bien placés, la totalité des sections de béton reste comprimée ; le béton ne subit plus de fissuration et l’ouvrage devient capable de supporter des charges qui, si elles étaient appliquées seules, produiraient des efforts de traction.

Pour que les câbles puissent être tendus, ils sont placés dans des gaines noyées dans le béton, oui sont injectées au coulis de ciment après la mise en tension des câbles et leur ancrage à leurs extrémités ; cette injection permet de reconstituer l’adhérence et d’assurer une protection contre la corrosion. Grâce à un tracé judicieux des câbles de précontrainte, il devient possible de bâtir les structures les plus audacieuses, et surtout de développer des méthodes de construction que ne permettait pas le béton armé.

Principaux désordres constatés

Les ponts de Luzancy, Annet et Trilbardou présentent des désordres significatifs.

Des ruptures de fils ont été observées sur le pont de Trilbardou.

Pour mémoire, il y a 172 câbles longitudinaux dans l’ouvrage (28 pour chacune des 4 poutres sous chaussée et 30 pour chacune des 2 poutres sous trottoir. L’effet de la rupture d’un câble supérieur par poutre a donc assez peu d’effet pour les poutres, il en est de même dans le cas de la rupture d’un câble inférieur par poutre.

La question qui se pose est de savoir si la rupture observée sur le pont de Trilbardou est un phénomène ponctuel, auquel cas le calcul simplifié ci-avant est rassurant ou un phénomène général dont la rupture observée n’est que la partie visible.

De plus, les épaufrures relevées sur la 6ème poutre montrent que les câbles de précontrainte sont fortement corrodés en mi-travée. La gaine est elle aussi très corrodée et a disparu, et l’injection qui semble être à base de coulis de ciment est humide et peu adhérente.

En partie supérieure, des brins de précontrainte sont apparents dans un nid de poule et présentent des pertes d’environ 70 % de leur section. La précontrainte vue est détendue.

En outre, le nid de poule a montré l’absence d’étanchéité. La rupture est observée environ au “tiers de travée” sur une poutre centrale. Il est à noter que les câbles supérieurs ont été mis en œuvre directement dans des rainures et qu’un renformis de 7,5 cm a ensuite été coulé. Une étanchéité n’a été mise en œuvre que plus tard (25 ans). Du fait des désordres constatés, la capacité portante de l’ouvrage est altérée.

Il y a de plus une inconnue sur l’état des autres câbles situés sous la chaussée.

Le niveau de sécurité de l’ouvrage a donc diminué dans une proportion qui ne peut être appréciée immédiatement. Cependant, on constate que l’ouvrage supporte aujourd’hui un trafic sans limitation.

Décisions de la préfecture

La décision du département suite à ce rapport est donc de retenir la mise en œuvre d’une limitation de tonnage à 3,5 tonnes et d’une limitation en hauteur à 2,8 mètres, sans restriction sur le nombre de voies de circulation.

Actions communes au pont d’Annet et au pont de Trilbardou

  • investigations ciblées sur la précontrainte intérieure afin de mieux quantifier les désordres observés. Elles doivent indiquer précisément combien de fils ou de câbles corrodés ou rompus et à quel endroit
  • identification du type et de l’épaisseur du système d’étanchéité/roulement. En effet, le dossier d’ouvrage ne permet pas de dire quel est le système qui a été mis en œuvre dans les années 70 et celui-ci peut avoir été modifié depuis
  • si cela est possible, vérification du recul éventuel des culées et mesure de l’évolution de la flèche du tablier par mesure topographique
  • recalage des réactions d’appui. Ce recalage doit être réalisé en l’absence de gradient thermique, c’est-à-dire de préférence tôt le matin, à température stabilisée et mesurée précisément (la poussée devra être ajustée en fonction de la température)
  • vérification de la tension des câbles par la méthode de l’arbalète (à réaliser sur un seul ouvrage les résultats étant extrapolables aux autres ouvrages)
  • diagnostic du matériau béton (profondeur de carbonatation, teneur en ions chlorures). Ce diagnostic est utile dans le cadre d’un projet de remise à niveau notamment pour apprécier les zones qui nécessiteraient la mise en œuvre d’un revêtement de protection pour éviter une corrosion future
  • calculs fins sur un modèle élaboré, basés notamment sur les résultats des investigations complémentaires
  • détermination du caractère local ou général du phénomène observé de rupture de fils pour les câbles sous chaussé par réalisation de fenêtres afin de vérifier si le renformis est bien adhérent et si de l’eau peut circuler à l’interface. A compléter éventuellement, en fonction du type d’étanchéité, par une auscultation au radar pour vérifier le décollement du renformis.

Des portiques limitant physiquement la hauteur de circulation seront installés prochainement des 2 côtés du pont.

A la lecture de ces informations, vous comprendrez aisément que l’interdiction matérialisée n’est pas là pour la tranquillité publique même si cela soulage des nuisances sonores des camions mais bien pour des raisons de sécurité.

Nous sommes conscients que certains habitants du village sont lésés, et nous pensons particulièrement à nos agriculteurs, mais nous rappelons aussi que la circulation sur les routes de notre village est limitée depuis au moins 2013 aux véhicules dont le Poids Total Admissible en Charge (PTAC) est inférieur à 9 tonnes.

De ce fait, le franchissement du pont de la Marne est interdit à tout véhicule dont le PTAC -poids total admissible en charge- est supérieur à 3.5T, ou ayant une hauteur supérieure à 2.8m.

La Gendarmerie Nationale et la Police Municipale Intercommunale sont d’ailleurs sensibilisées à ce sujet et n’hésiteront pas à verbaliser les contrevenants.