L’usine élévatoire

L’usine élévatoire de Trilbardou

L’usine élévatoire de Trilbardou est une usine de pompage qui permet de compléter les apports d’eau du canal de l’Ourcq à partir des eaux de la Marne.

Elle est composée d’une roue comportant 70 aubes en bois et d’un ensemble de quatre pompes qui refoulent 27000 m3 d’eau par seconde.

Elle fut construite sous Napoléon III et est classée aux Monuments Historiques.

Choix du site de la machine hydraulique

Après le décret de pompage de 1866, autorisant le pompage en Marne pour parfaire le débit du canal en période d’étiage, deux sites furent retenus pour accueillir les futures usines élévatoires.

Le premier d’entre eux était le moulin de Trilbardou, racheté par la ville de Paris au moment de la faillite des établissements Langenard et Cie.

Le site était propice à l’installation d’une usine, puisqu’il possédait déjà une chute d’eau d’une hauteur de 80 cm et que la distance séparant les deux cours d’eau, la Marne et le canal, n’était que de 40 mètres. Toutefois, les premières machines installées à Trilbardou furent des machines à vapeur type Farcot, qui permettaient d’utiliser les machines laissées par l’ancien propriétaire. Mais, le prix de la houille étant à cette époque toujours très élevé, on a rapidement cherché le moyen d’alimenter le réseau des canaux par des usines hydrauliques, qui travaillaient très économiquement.

Rappelons qu’en 1869, lors de la construction de la roue de Trilbardou, la technique des roues hydrauliques étaient alors parfaitement maîtrisée et l’on connaissait très précisément les capacités, les rendements mais aussi les limites de ces machines.

Il existait une très grande variété de roues que l’on peut classer en trois catégories :

  • Les roues en dessus ou roue à auget qui reçoivent l’eau au point le plus élevé. L’eau agit donc principalement par son poids.
  • Les roues en dessous à aubes planes ou courbes qui reçoivent l’eau au point le plus bas. Dans ce type de roue, c’est la force vive du courant qui est utilisé.
  • Les roues de côté qui reçoivent l’eau en un point situé plus bas que l’axe ce qui permet à l’eau d’agir à la fois par son poids et par sa puissance.

La roue Sagebien

La roue de Trilbardou, mise en place par l’ingénieur Alphonse Sagebien n’est pourtant pas une roue de côté comme les autres. Elle n’utilise pratiquement pas la force du courant mais presque exclusivement le poids de l’eau. Devant la roue, se trouve une vanne circonférentielle, c’est-à-dire épousant parfaitement la courbe de la roue. Les aubes de la roue ne sont pas radiales mais inclinées sur la circonférence de façon à faire un angle de 45° (degrés) lorsqu’elles entrent dans l’eau. La roue ayant la même vitesse que l’eau, cette dernière entre sans choc dans les aubages et l’eau agit par son poids seul.

En raison de la faible vitesse de la roue, on était conduit à lui donner un grand diamètre afin qu’elle ait une capacité suffisante. Le diamètre moyen des roues construit par Sagebien variait généralement entre 4 et 8 mètres. Mais celle de Trilbardou est exceptionnelle avec ses 11 mètres de diamètre pour 6 mètres de large. Elle comporte 70 aubes en sapin de Lorraine représentant 28 m3 de bois soit 1 260 m2 de surface d’aubage.

L’arbre en fer forgé de 11m50 de long pour un poids de 17 tonnes porte 6 croisillons en fonte destinés à recevoir les aubes. Ce gigantesque moteur à eau, malgré sa faible vitesse (1,7 tours par minute) parvient grâce à ses dimensions à développer une puissance de 150 CV. Cette puissance est transmise par l’axe de la roue, qui traverse le mur et met en mouvement, dans l’autre pièce un dispositif d’engrenages permettant de faire fonctionner les quatre pompes. L’arbre porte, en effet, un engrenage de 5 m de diamètre ayant 100 dents de fonte de 5 cm de largeur. Cette roue dentée fait tourner deux petites roues (les pignons secondaires). Le temps que la grande roue fasse un tour, les deux petites de 50 dents en font trois, on multiplie donc par trois la vitesse de rotation. Ces pignons secondaires sont reliés à des bielles à fourches portant les tiges des pistons des pompes.

Les pompes sont au nombre de 4. Contrairement au système classique de la seringue, où l’on tire le piston pour aspirer puis on le pousse pour refouler, les pompes de Trilbardou sont des pompes à double effet. Chacune d’entre elle possède deux entrées d’eau en bas du corps de la pompe et deux sorties en haut. Lorsqu’on tire le piston dans le tube de la pompe, une entrée s’ouvre, l’eau traverse la pompe et ressort immédiatement par la sortie opposée. Lorsque le piston est poussé dans le tube, l’autre entrée s’ouvre et le même phénomène se reproduit. A chaque mouvement du piston dans le corps de la pompe, on a donc à la fois aspiration et refoulement. Le débit théorique est de 320 litres par seconde, c’est-à-dire à peu près 28 000m3 d’eau relevée par jour.

L’usine de Trilbardou aujourd’hui

Restée pendant longtemps inactive, car remplacée par des turbines plus modernes, électriques ou thermiques, la machine d’Alphonse Sagebien ne doit sa remise en marche qu’au choc pétrolier de 1973. En effet, l’augmentation considérable du prix du pétrole et de l’électricité a fait prendre conscience du formidable potentiel de la machine hydraulique de Trilbardou : une énergie propre et surtout gratuite.

Avant la remise en service, il a cependant fallu un effort considérable de restauration et une période de rodage pour permettre aux pompes de retrouver leur vitesse de croisière.

Notons qu’aujourd’hui son rendement en terme d’eau pompée est nettement inférieur à celui avancé par Sagebien à l’origine. Ce dernier avait même avancé des garanties de rendements : la roue ne devait pas descendre en dessous des 70 % d’eau élevée. C’est sans doute ce qui a fait dire à Belgrand, directeur des eaux de Paris, à l’époque : « La roue de Trilbardou est certainement le meilleur moteur que la ville possède » et ce moteur continue à tourner inlassablement pour le plus grand plaisir des visiteurs.